Une semaine à Sam Meun Village
- Marion Cuzuel
- 18 févr. 2020
- 23 min de lecture
Invitation pour le mariage à la main, Oudone vient nous récupérer à Nong Khiaw pour prendre la direction de Sam Meun, le village où aura lieu les festivités et où nous allons passer la semaine. J'ai essayé de faire la recherche et de trouver sur Mapsme et Google la location précise."Result no found". Cela confirme l'idée que j'avais déjà avant, nous allons dans un endroit unique, même google ne connait pas !
Le voyage en direction du village nous prendra la journée, car il faut prendre un bateau (2h30), puis un Tuktuk (30min), un autre bateau (2h), et pour finir des amis d'Oudone viendrons nous récupérer en moto (45 min) pour rejoindre le village qui se trouve dans les hauteurs. Mais cette petite journée de voyage n'est pas pour me déplaire car les paysages qui nous entourent sont toujours autant magnifiques
Ce que j'y ai fait :
- Vivre une semaine en immersion
- Nouvel An Kmoun
- Mariage d'Oudone
Vivre une semaine en immersion :

Il faut savoir que nous allons dans un village Khmu, une ethnie ancienne du Laos qui à son propre langage et ses propres coutumes et traditions.
Qu'est ce que c'est cette ethnie ? Tout d'abord, il faut savoir qu'il s'agit de la plus grande ethnie au Laos puisqu'elle est présente dans 10 provinces sur 17 du pays. L'ethnie Khmu est une sous-division de l'ethnie des montagnes, les Lao Theung. Or les montagnes se trouvant dans le nord, elle est donc majoritairement présente dans cette région. La religion principal est l'animisme mais on peut parfois trouver des animistes bouddhistes. A Sam Meun ils sont 100% animistes.
Mais qu'est ce que c'est l'animisme me direz vous ? Il s'agit d'une religion qui croit principalement aux esprit ("Phis"), et où est pratiqué le culte de l'ancêtre. C'est la première et la plus ancienne au Laos même si elle n'est pas spécialement reconnu par l'état (à l'inverse du bouddhisme). Donc une croyance aux esprits, mais aussi aux forces vitales de la nature comme les animaux, les humains, les pierres, les cascades, etc, mais aussi les objets. Etant des chasseurs cueilleurs ils célèbrent par exemple souvent le riz qui est leur principal source alimentaire. Les rites et les traditions dominent alors largement la vie quotidienne des Khmu. Il n'y a pas d'écrits, la transmission se fait à l'oral par le récit d'histoires où même par le chant qui permet de raconter les légendes.
Voilà pour le petit point information qui est très utile pour comprendre certains comportements et donc leur façon de fonctionner.
Nous allons durant la semaine vivre chez la famille de Phonetipe (la marié). La maison est plutôt grande, faite de bois, légèrement sur-élevé pour que les poules et les cochons puissent s'abriter, elle a même un étage. Nous logeons avec Alex dans la partie supérieur de la maison, un tapis de sol, un coussin et couverture chacune. Pas besoin d'autre chose, parfait.
Dans le village il n'y a ni eau ni électricité, les animaux se baladent en totale liberté, il faut oublier le monde moderne que l'on connait et revenir aux choses simple. J'ai oublié de préciser un petit point important, qui dit pas d'eau dit évidemment pas de toilette et pas de douche, ce qui se révélera être des expéditions. Il n'y a pas une maison de brique, pas de route, vraiment un village village. Au début il est difficile d'être accueilli a bras ouvert dans endroit comme cela, c'est unique pour nous, mais unique pour eux aussi car nous sommes les premiers voyageur à y mettre les pieds. La timidité est présente, les laotiens sont très réservé et même les enfants ont un peu peur de nous. Nous essayons de nous familiariser avec la famille et mettre des noms sur les visages, comme nous arrivons le soir, avec Alex nous essayons de mimer que nous voulons aider pour la cuisine, nous nous sentions mal à l'aise de les regarder faire et après se faire servir comme des princesses et c'est vrai que la cuisine est un lieu conviviale où il est facile de participer. C'est assez drôle car chacun de nos faits et gestes sont observés comme si nous allions faire quelque chose d'étrange. D'ailleurs lorsque nous demandons du regard si nous coupons bien les légumes un sourire amusé nous répond. La cuisine faite, place au repas. Tous assis autour de la table (table basse de 30cm pour pouvoir manger assis par terre), les femmes d'un côté, les hommes de l'autre. Il nous faut perdre l'habitude de s'assoir en tailleur car ça ne se fait pas chez les femmes, fesses d'un côté, jambes de l'autre. Bien-sûr pas de couvert, on mange stiky rice et légumes avec les mains. Un régale. De toute façon j'ai développer une certaine addiction au stiky rice, j'en ferait à mon retour en France pour sûr !
Après le repas nous nous asseyons tous en cercle dans la pièce du bas, nous sommes pour le moment une petite dizaine dans la maison, l'ambiance est conviviale, ils parlent Khmu entre eux, j'essaye d'attraper des regards, des intonations de voix, des sourires afin de comprendre le contexte des conversations. Bon je n'y arrive pas trop, mais je me familiarise avec les personnes présentes et ce qu'elles dégagent.
Réveil à 6h avec le chant des coqs, le soleil pointe le bout de son nez. Pas de feignantise à resté flâner au lit, il y a du boulot. Il faut tout les matins et soirs aller chercher l'eau à la source qu'ils ont construite avec des bambous, elle se trouve à 10 bonnes minutes de marche, cela permet de pouvoir préparer les repas (Pour la boire il l'a font bouillir avec des racines). Une ribambelle d'enfants nous accompagnent le matin sur le chemin, ils se baladent bidons de 3 à 5 litres dans un sac qu'ils portent sur le front avec leur brosse à dent à la main. Je pense que les parents envoient principalement les enfants chercher de l'eau le matin comme cela ils peuvent commencer à préparer le petit-déjeuner et faire un coup de ménage.
Il faut savoir qu'à chaque fois qu'on nous demande de faire quelque chose où que l'on nous dit qu'il faut faire ceci ou cela on ne comprend jamais au début ou du moins nous ne sommes pas sûr, mais on fait "oui oui" de la tête, et c'est une fois arrivé au moment que l'on comprend. Par exemple pour aller remplir des bidons d'eau, rien d'extraordinaire, mais il faut s'imaginer, toi petit blanc tout habitué à avoir l'eau potable, te retrouver avec tes bidons à la main, à attendre ton tour pour le remplir, tu observes donc comment ils procèdent, et des questions fusent : Est ce que je me brosse les dents en même temps ? Est ce que je rince le bidon ? Des questions débiles et inutiles t'inondent car tu ne veux pas faire n'importe quoi et tu sais que tu vas être observé, surtout par les enfants, des petits être sans filtres qui sont toujours prêt à rigoler de nos faits et gestes. Alors qu'en soit, le bidon, tu le sais comment le remplir. Mais cela vas être comme ça un peu durant toute la semaine. Bon même si ok après le premier matin pour remplir mon petit bidon je ne me posais plus de questions.
A défaut de penser que ça te prend 5 minutes pour revenir avec l'eau, il faut parfois attendre 45 minutes le temps que tout le monde qui est arrivé avant toi les remplissent. Car on ne descend pas avec 1 mais au moins 2 par personnes (même une fois j'en ai pris 5, j'ai cru que j'allais mourrir à les remonter). D'ailleurs ces enfants sont déjà pour leur âge des petites forces de la nature, car il faut le dire moi je peinais un peu à remonter les bidons de 5 litres au village. Et eux, pieds nus, courent à coté de toi avec la même quantité d'eau. Je pense que c'était peut être un jeu pour eux de nous dépasser, en tout cas ça les faisaient bien rire et quant à moi j'étais chaque matin impressionné.
Une fois les bidons rempli et remonté au village, place aux petites activités du matins, aller couper du bois, aller chercher quelques épices où même des oeufs afin de préparer le petit déjeuner que l'on mangera en général vers 9h. Le petit-déjeuner, le déjeuner et le diner sont les mêmes repas car tu vis et tu manges de ce que tu cueilles, pêches ou cultives, il n'y donc pas une grande diversité mais vu que c'est bon et frais, des légumes, des protéines et ta portion de féculent et bien tu ne manques de rien. Enfin je devrais plutôt dire le premier petit-déjeuner, car presque tout les matins, nous étions invité chez le tonton pour un autre repas. Invitation surprise, il faudra donc faire bonne figure et manger ce que sa femme nous sert malgré que l'on soit repus. Ce deuxième petit-déjeuner sera toujours accompagné de LaoLao, leur alcool de riz à 55%, à croire qu'il savait que nous n'avions plus faim et voulait nous aider à faire digérer tout ça, et si jamais tu pensais avoir la tête dans le brouillard le matin, le Laolao est une solution assez spectaculaire car pour être réveillé tu l'es bien après ! Petit précision tu ne peux pas, et ça ne se fait pas refuser un verre et comme ils n'ont en général que 3 verres pour 7 personnes, tu ne dois pas trainer pour le boire, et en plus ils sont content que tu sois là chez eux, tu es bien évidement resservi à chaque fois pour trinquer avec tout le monde donc à 10h00 tu as déjà les yeux rouges mais c'est pour te donner de l'énergie pour tout ce qu'il y a faire dans la journée.
Notamment aller pêcher.
Hmmm qu'est ce que je vais mettre sur ma liste de course ? Non. Tu prend tes pieds, ton sac, de l'eau et c'est parti. Quand on m'a dit que nous allions pêché j'étais super excité, j'avais hâte mais je n'avais absolument pas en tête que le chemin serait comme un chemin de trek qui durent 2 heures car nous sommes parti en tong ! Ca descend, ça glisse car le chemin est rempli de feuilles et est terreux. C'est une vrai expédition, j'ai l'impression de vraiment faire une randonné car c'est assez physique, il faut descendre presque 800m. Et je ne suis pas peu fière de me dire que je suis la première "falang"(étrangère en Laotien) à découvrir ces paysages. Au loin tout est valloné, vert, la nature n'a pas été empiétée par l'humain et Vie. Je suis toute rouge, je transpire, mais ça ne fait que commencer car enfin arrivé en bas au niveau de la rivière il faut être attentif, aiguiser son regard afin d'observer si des poissons nagent à cet endroit. Le premier spot n'inspire pas nos 4 compatriotes laotiens. Nous remontons le pantalon et marchons dans la rivière afin de trouver l'endroit parfait. Le deuxième d'après eux est un bon endroit. J'avoue que je n'y connais absolument rien et je ne vois pas la différence entre les deux, mais je leur fait confiance. Nous sortons donc harpons de bois, masques de plongé et filets de pêche. Il n'y a pas de gros poissons ici, mais leur dextérité avec le harpon m'épate ! Touché ! Après 2 heures de pêches c'est impressionnant tout ce qu'ils arrivent a attraper ! Je n'ai pas essayé le harpon car avec mes deux mains gauches j'avais peur de me blesser et/ou de blesser quelqu'un, je fais donc mumuse avec le filet. Nous nous amusions a dire"Tupa Kron Roi ! " qui veut dire en version phonétique"C'est mon poisson !"à chaque fois que nous ramenions à la berge des poissons.
La pause déjeuné s'impose vers 14h, il fait faim. Alors là, encore une fois je suis épatée par la vitesse à laquelle il nous prépare une table avec une nappe de feuille de palmier, allume un feu avec les branches que nous sommes allé chercher puis ils sortent de leur besace du sticky rice mais aussi du piment afin d'agrémenter le repas, et comme ce n'est pas suffisant je vois Oudone parcourir les plantes qui nous entourent afin de dégoter des plantes aromatiques. Ils vont également nous préparer le poisson avec deux cuissons différentes. En premier des brochettes, le poisson est vidé, coupé en deux, à l'intérieur épices et herbes aromatiques, les poissons sont repliés puis mis dans un bâton préalablement coupé en deux et refermé par du bambou et donc la deuxième cuisson, du poisson cuit à l'étouffé : un morceau de bambou, on met des poissons et les épices à l'intérieur, un peu d'eau, et on referme avec des herbes, il faut poser le bambou dans le feu et la cuisson opère. Je reste stupéfaite par tout ça. Vraiment, c'est impressionnant et en plus c'est très très bon comme je vous laisse imaginer.
La pêche fini nous reprenons le chemin du retour, il ne faut pas trainer car nous voulons rentrer avant qu'il fasse nuit. Ne pas trainer, ok,..., c'est noté mais il va falloir se mettre dans sa bulle et compter sur ses jambes car il va falloir mettre moins de deux heures pour tout remonter. On se remet donc la chanson de Mulan dans la tête et on pousse sur les cuisses. Pour la petite anecdote, en chemin Alex se blesse le pied et en moins de 30s Oudone trouve la bonne plante pour faire un cataplasme. J'essaye de retenir tout ce que je vois mais c'est très dur, j'ai l'impression que toutes les plantes se ressemblent. Leurs connaissances et leur adaptation avec la nature m'impressionne. Ou à l'inverse, je suis désolée par notre non connaissances. Quand je marche, je vous décris ce qui m'entoure en paysage de jungle, vert, bambou, ... Et je me rend bien compte que leurs regards sur ce qui nous entoure est différent, car ils vivent avec. Objectif réussi, nous arrivons en haut dans le village juste pour le coucher du soleil qui est spectaculaire, le ciel est flamboyant et éclaire la vallée de rouge avant de laisser place à un magnifique ciel étoilé. Observer le ciel sera d'ailleurs mon petit plaisir chaque soir.
Fêter le nouvel an Khmu
Comme la chance ne vient jamais seule (je ne sais pas si cette expression existe mais elle fait partie maintenant de mon dictionnaire) nous allons non pas assister juste à un mariage traditionnel Laotien mais aussi au passage de la nouvelle année Khmu. Le passage à la nouvelle année est l’occasion pour les villageois de se réunir pour rendre hommage aux ancêtres et pour demander aux divinités de bonnes récoltes. C’est également l’occasion de faire la fête ! Des membres du gouvernement sont présents afin d'établir le budget et voir les besoins du village, par exemple le nombres d'enfants dans un village détermine la construction d'une école ou non. Ici, à Sam Meun, un grand projet de déménagement est en cour. Plus loin se construit un nouveau village, cette fois-ci en béton où ils disposeront d'électricité et d'eau, d'après Oudone les villageois auront déménagé d'ici 5 ans et le village que nous avons connu ne sera plus.
Comme il s'agit aussi d'un moment de réjouissance nous avons le droit a un spectacle d'enfants, tous en tenu traditionnel, les musiques d'ici résonnent sur des caissons de basses branchés à un générateur amener spécialement pour l'occasion. Les enfants entament leur danses traditionnelles et font un vrai show. On est loin du spectacle de kermesse car il s'agit d'honorer les anciennes traditions mais aussi de faire honneur à leur famille devant le gouvernement. Pour ma part je suis reconnaissante de pouvoir découvrir cet univers et j'adore. Une fois fini, un vielle homme a son tour entame une sorte de danse qui fait un peu rituelle avec une fossile dans chaque main, il tourne en rond et fait de spectaculaires mouvements. On se rend compte qu'il rend lui aussi hommage à leur culture, il semble fière de ses exécutions et balance ses bras de droite à gauche. Petit à petit on sent que la fête prend de son essor car l'alcool commence a couler à flot, et encore une fois chacun doit prendre sont shot de Laolao. Cette célébration est l'occasion pour nous d'apprendre à danser à la Laotienne, il faut dire que ce n'est pas si évident que ça. Toutes les danses se passent en tournant en rond autour d'un tronc de bois, tu es face à un homme et tu dois faire des petits pas sur le côté pour avancer, en ce qui concerne les mouvement de bras il y a différentes variantes mais souvent les avant-bras sont a l'horizontales il faut faire un mouvement de balancier et avec les mains paume au dessus puis au dessous. Ca n'a pas l'air difficile comme ça, mais c'est le rythme qui est difficile à avoir car il est trèèèèèès lent ! On essaye de faire au mieux, et apparemment on se débrouille pas si mal car nous recevons des pouces des Laotiens qui se trouve à nos côtés, bon ça les fait bien rigoler quand même de nous voir danser leurs danses. Les soirées sont aussi l'occasion pour les laotiens de faire vibrer leurs cordes vocales, ils ADORENT ça. A croire qu'ils savent tous chanter et connaisse toutes les chansons par coeur. Nous passerons donc la soirée à tourner autour du poteau, j'avoue que j'essaye un maximum d'aller danser ce qui me permet d'éviter le Laolao qui j'ai l'impression me creuse des trous dans l'estomac tellement l'alcool est fort !
Mariage à la Laotienne
Nous sommes maintenant plus d'une trentaine dans la maison, l'ambiance est conviviale, et tout est prétexte à rire, chanter et partager. Chacun à sa tache pour aider aux préparatifs, nous essayons de trouver notre place, ce qui n'est pas évident car quand nous demandons s'ils ont besoins d'aide pour quelques chose la réponse est toujours "non". Il faut donc essayer de s'imposer et de se rendre utile sans être un boulet. Le matin du mariage, Oudone nous dit qu'il faut aller chercher du bois, ok pas de soucis, machette à la main nous partons en route. Je n'avais pas bien compris à quoi servirait le bois, c'est uniquement quand nous rentrons que j'observe se monter en moins de 2 heures deux terrasses en bois et en bambou, waho, waho, waho. Qu'est ce qu'ils sont épatant, pas besoin de cordes, le bambou fait l'affaire, pas besoin de clous, le bambou fait l'affaire, il me faut définitivement une bambouseraie !
Nous réussissons à aider un peu en cuisine, mais la grosse activité de l'après-midi est de préparer de quoi chiquer le bétel. Je pense que ce que nous avons préparé servira à l'export car nous en avons préparer plus de 200 à mon avis. Qu'est ce que la chique de bétel me direz vous ? J'en avais déjà croisé en Birmanie où je m'étais arrêtée sur des traces rouges suspectes sur le sol, puis j'avais observer des Birmains cracher rouge, ce qui était un peu dégueu. J'avais donc fait mes petites recherches et le bétel est en réalité une coutume assez encrée en Asie du sud-est. Ici au Laos, traditionnellement ce sont les femmes chiquent le bétel et les hommes fument des cigarettes. La chique de bétel se compose de quatre éléments : de la noix d'Arec du palmier à bétel qui donne le goût sucré, une feuille de bétel (feuille verte plutôt arrondit) qui donne le goût piquant, de l'écorce de racine d'arbre et de la chaux. Nous formons donc des petits ballotins. Bien évidement durant la préparation les femmes chiquent et nous en propose. Un peu curieuse de savoir quel goût ça a, avec Alex nous acceptons, bon bah je n'ai pas trop compris, on hyper-salive, donc dès que je mâchais je crachais rouge (instant glamouuuuuuur) et le goût n'est vraiment pas terrible. Mais je pourrais dire que j'aurais essayé et que j'aurais surtout fini avec les chicots et la langue bien rouge. Après il s'agissait aussi d'un moment de partage, plus les jours passent et plus l'impression d'appartenir à cette communauté est présente, je ressens de moins en moins l'impression du petit étranger perdu. Et je pense que de leur côté ils nous ont apprivoisé aussi.

Pour l'occasion Oudone nous a prévus des tenues traditionnelles, je suis trop contente, on dirait une enfant qui vient de recevoir un cadeau mais je me sens toute belle dans cette tenu et encore une fois cela me fait plaisir de sentir une appartenance à cette communauté
Le mariage va durer 48h. Quarante-huit heures durant lesquelles il va se passer des moments où nous ne pouvons pas assister, d'autres auxquels nous ne voulons pas, mais nous allons surtout vivre et découvrir leurs traditions. Nous sommes très nombreux ces deux jours durant, nous faisons partit des invités mais pas de la famille proche c'est pour celà que parfois nous assisterons pas des réunions de famille qui se déroulent dans la maison de la mariée. Je ne sais pas ce qu'il y faisait mais d'après ce que j'ai un peu pu lire en me renseignant a posteriori, le mari et sa famille négocie avec la famille de la mariée le prix de celle-ci, donc je pense que c'est ce qui s'y passait et ceux pourquoi nous n'étions pas convié.
Ensuite, de part leur religions animiste, les grands évènements les amènes à réaliser des sacrifices d'animaux. Qui dit mariage, dit grand évènement donc dit sacrifice. Oudone nous avait prévenu qu'il y aurait une vache, deux cochons et plusieurs poulets. Le premier cochon à été tué dans la journée, je n'y ai pas assisté car je faisais la cuisine a ce moment, mais je peux vous dire que je l'ai bien entendu, ça fait du bruit cette pauvre bête. Le sacrifice de la vache quant à lui avait l'air d'être un sacrifice plus sacré car nous sommes allé lui faire coucou dans la journée et Oudone voulait la voir. Celle-ci serait tuée entre 2h et 3h, étant aller nous coucher vers les minuits, nous avions mis un réveil et finalement avec Alex nous avons fait semblant de dormir car nous étions pas sûr de pouvoir supporter. Il n'y a pas de raison spécifique à un sacrifice à 2h si ce n'est le temps de préparation. Nous nous réveillons donc vers les 6h du matin, j'ai l'impression d'être la seule a avoir vraiment dormi car dans la nuit les personnes se succédaient dans la pièce, comme une forme de relai dodo. Ce matin là, il fallait avoir le coeur accroché car dès le réveil, je sors de la maison et observe sur les terrasses la famille et les amis, machette à la main en train de faire de la bouilli avec la viande, et encore ça, ça va, ce qui m'a fait avoir un rictus ce fut les casseroles pleine de sang frais, j'avoue avoir été surprise, je ne m'attendais pas a voir du sang comme ça au réveil. Après ce petit choc visuel et pour émerger un peu plus tranquillement nous prenons des bidons et allons les remplir. C'est lorsque nous revenons de notre mission bidon (qui est aussi en général le prétexte pour aller aux toilettes) que je comprend à quoi va servir le sang. Le père de famille verse la casserole de sang dans une marmite contenant de la viande avec de l'eau en ébullition, ce procédé va permettre former de gros grumeaux et un jolie bouillon. Le sang d'après leur culture permet de rendre fort, et c'est un hommage fait à l'animal que de l'incorporer au repas, et encore par chance nous n'avions pas à le boire comme ça car nous avions entendu des histoires où le sang se prenait aussi en shot.Oui ça fait beaucoup de descriptions, mais c'est pour que vous vous rendiez compte ce qui était servi à table et comment j'ai dut faire semblant d'aimer pour ne pas les offenser. Et encore ce n'était pas le pire, moi qui ne mange jamais d'abat, et bien là j'avais l'impression qu'il n'y avait que ça à manger, je me suis réellement demandée ce qu'ils faisaient avec les "bons" morceaux de viandes car pendant deux jours je n'ai mangé que des choses caoutchouteuses, sans goût, je suis même sûr d'avoir mangé un morceau de langue. (En espérant que vous ne lisiez pas ça au petit déjeuné, sinon désolé). Mais bon vive le sticky rice qui m'aide a toutes épreuves et dans ces moments à faire passer la nourriture. Je pense qu'il s'agissait vraiment de leur faire honneur et de ne pas refuser ce qu'il proposait, car j'ai senti que c'était une chose occasionnelle que de manger une vache et donc ils étaient super fière de pouvoir nous en proposer.
Bon mis a part les mésaventures culinaires, qui ne représente que 2% de ce que nous avons vécu, même si j'avoue je fonctionne beaucoup avec mon ventre. Nous avons vécu comme je vous le disais précédemment des moments incroyables. Notamment le Baci qui est une cérémonie qui consiste à nouer des fils de cotons blanc aux poignets. Le baci est présent dans tout les grands événements heureux de la vie des laotiens, en nouant les fils aux poignets on fait sortir les mauvais esprits et entrer les bons dans le corps mais on souhaite également du bonheur, de la richesse, fécondité ou autre. Nous avons eu la chance d'avoir plusieurs cérémonies de baci durant la semaine mais celle du mariage est impressionnante. Tout commence autour d'une petite table en métal argenté (qui se doit être de l'argent ou du moins de la couleur suivant les traditions) sur celle ci est disposé des cornets en feuilles de bananiers, sur lesquels sont piquées des fleurs ( blanches et oranges, couleurs à l'origine du bouddhisme), des baguettes de bambou sont chargées de fils de cotons blancs puis tout autour se trouvent des offrandes, billets, œufs durs, sticky rice, bougies, j'en oublie peut-être. De ce que j'ai compris la nourriture est destinée aux âmes (khouan) qui seront rappelées. Les mariés sont assis autour avec leur parent a leur coté. Ils ont les mains posés sur le plateau pendant que les anciens parlent. Puis, un des plus ancien prend la parole, j'ai l'impression qu'il raconte des anecdotes et légendes, tout le monde est attentif aux histoires, j'ai donc compris à ce moment qu'il s'agissait du chaman du village, je suis tout de suite très impressionnée, comme si l'énergie qui émanait de cette personne était différente. Vient le moment de l'échange des voeux, qui ne se fait pas à l'oral mais avec un fil de coton qui est passé sur les mains des mariés, puis sur la table ils prennent un morceau d'oeuf avec un morceau de riz qu'ils échange entre eux, puis Oudone nous en passe un morceau par dessus son épaule, je le prend et je le mange. Je crois que le poulet est important pour les animiste, et que notamment l'oeuf est signe de fécondité. Puis le chaman fini de parler et là chacun fait un don sur la table de quelques billets, je suis le rythme, je prend donc au passage des bracelets de cotons, j'attend mon tour pour les nouer aux poignets d'Oudone et de Phonetipe, je ne sais pas comment en laotien il faut souhaiter bonne fortune, mais j'ai fait du mieux avec mon anglais, j'estimais que l'intention était le principal. Il y a du monde de partout, la pièce est rempli et résonne de prières en laotien, c'est transportant comme énergie. C'est très difficile à décrire mais j'entend encore en moi le coeur de ces prières. Puis arrive de toute part des membres de la famille, des amis vers nous pour nous nouer aussi des bracelet aux poignets, ce qui me fait réaliser alors que le baci est principalement pour les mariés, mais aussi pour tout les invités, car c'est un moment de joie, un moment où il faut souhaiter bonheur, santé, amour et chance aux personnes présentes a nos cotés. Je fini par laisser ma place pour que chaque personne puisse à son tour rentrer dans la maison pour mettre des bracelets aux mariés. Je passe de cette énergie au silence, le décalage est étrange, voir même brutal, il faut se remettre dans la réalité. Mais comment faire ? Je ne me suis pas posée la question très longtemps pour vous avouer car à peine sorti dehors nous étions repérées et des verres de laolao nous attendaient. .
Après cette cérémonie vient l'heure du repas, puis on reprend les mêmes musiques que le nouvel an, on est donc repartie pour des petites danses en tournant autour du poteau, mais là avec les jours qui sont passés, on peut fièrement dire que nous maitrisons la danse laotienne, et en même temps pas le choix de maitriser ou non car nous sommes invitées par tout les villageois à chacune des danses. L'après-midi et la soirée se passera donc ainsi, bières moments de franche rigolade et danses. C'est plutôt dingue de se dire que nous passons un super mariage avec des gens que nous connaissions que depuis quelques jours, et avec qui nous ne parlons pas le même langage et pourtant qu'est ce que nous rigolons. . Il faut préciser qu'ils n'écoutent pas que de la musique tradionnelle à des moments, sans transitions, il passe des vieux sons des années 2000 remixer en grosse techno, et là, c'est l'éclate, c'est énorme. Car on passe du lalalala au BOUMBOUM accompagné des rires et des cris de joies des personnes présentes sur la piste. Mais attention on danse sur de la techno toujours en tournant autour du petit poteau !
Les derniers jours à Sam Meun :
Après le mariage, les gens partent au fur et a mesure, il faut dire au revoir. Il ne reste que la famille et les amis proches dans la maison, l'atmosphère devient plus intime, et comme nous les connaissons déjà et que nous avons vécu de jolies moments ensemble, j'ai l'impression d'être comme chez moi. Ils sont habitués de notre présence, et nous sommes habitué à être parmi eux, nous n'avons plus d'apriori et nous comprenons les codes, cela se fait tout seul et plus naturellement car parfois il y a quand même des loupés sur la compréhension mais on s'en sort toujours. Ce qui m'a bien fait rire à été de jouer au jeu de la bouteille version laotienne, dans une bouteille de bière ils ont installé un bambou avec une tige horizontal qui permet lorsqu'on l'a tourne de pointer quelqu'un. Et le gage soit tu bois soit tu chantes. Ils chantent tous super bien, et ce jeu me donne l'occasion et la chance de pouvoir entendre des chants traditionnelle khum, qui sont d'abord chanté par la personne pointé par le bambou, mais après repris en coeur par tout ceux autour de la table, leurs voix résonnent et a un timbre bien particulier que je ne serais décrire. Et pas une, pas deux, mais trois fois la bouteille à pointé vers moi, et a chaque fois je ne savais pas quoi chanter, trop de pression, j'ai donc bu, sauf la troisième fois où j'ai essayé, mais après 2 couplets je ne me souvenais plus, ils m'ont bien charié et j'ai eu le droit à mon troisième verre. L'ambiance est génial !
La nuit tombe vers les 17h, la soirée se fini souvent autour du feu de bois après un bon repas, nous restons aves les jeunes du village que nous appelons les lascars car dans ce petit groupe il y a quand même un moine qui se balade avec une banane FILA en travers sur son torse et qui écoute de la musique urbaine avec nous. Nous ne finissions pas bien tard, car nous avons pris le rythme du levé à 6h30.
Le lendemain est le jour du départ, nous pensions partir le lendemain mais finalement Oudone nous a annoncé la veille quand nous étions autour du feu qu'il devait resté 2 ou 3 jours de plus dans le village "vis à vis des esprits", au début nous étions d'accord, sans soucis nous sommes trop bien ici, puis dans la nuit nous avons compté les jours qu'ils nous restaient sur notre visa et ce qu'il nous restait à voir du Laos. C'est donc au petit matin que nous annonçons tristement a Oudone que nous préférons partir aujourd'hui (avec 7 autres membres de la famille et amis). Il est 7h quand la décision est prise, nous devons partir vers les 9h. Parfois deux heures peuvent passer lentement et parfois rapidement, ces deux heures ci furent rapides car intenses. Nous prenons le petit-déjeuner avec la famille, je prend conscience que ce sera le dernier petit-déjeuner que je prendrais ici, je mange différemment, j'apprécie chaque bouché, chaque seconde, je emmagasiner un maximum de souvenirs sensoriels. Et puis sans trop comprendre ce qu'il se passe après que la table est été débarrassé, la mère de Phonetipe ramène les tiges de bambou où résident les fils contons blanc, nous somme en tailleur au milieu de la pièce. Là s'assoit tout autour de nous toutes les personnes restantes dans la maison et même quelques habitants du village. Ils sont nombreux à former ce cercle, mon ventre commence à se nouer. Oudone nous remercie, nous dit qu'il est très heureux que nous soyons venu et que nous ayons partager avec lui ce moment. Les regards autour de nous sont différents, un petit quelque chose à changé depuis que nous avons annoncé que nous partions, tellement de bienveillance, de gratitude, et je dirais même d'amour. Je ressent de l'amour tout autour de moi, une vague de chaleur inonde la pièce. Puis le père de Phonetipe qui jusqu'a présent je crois était la personne la plus réservé avec nous, se lève, prend un bracelet de coton, suivit d'Oudone, et commence à nous le nouer aux poignets. Puis petit à petit, toutes les personnes de la pièce se lèvent, prennent des bracelets et nous les attachent tout en récitant des prières ou incantations. Les voient résonnent et s'élèvent, mes yeux rougissent, des larmes montent, je ne vois presque plus rien, je n'entend plus que les voient autour de moi qui sont de plus en plus nombreuse, mon coeur bat fort, je ressens encore plus fortement cette notions d'amour qui m'avait interpellé. Je pleure. Je ne peux pas me retenir. Ce sont des pleures qui veulent dire merci, et en même temps je suis profondément triste, car je sais qu'aujourd'hui je leur dis probablement adieu. Quand il ne reste plus de bracelet nous nous enlaçons tous. Merci de tout coeur. J'ai du mal a quitter leur bras, j'ai du mal a quitter cette famille. Et pourtant je prend le chemin du retour et les laissent à Sam Meun

Pensés :
Une semaine loin de tout, coupé des connexions extérieurs m'a fait faire une pause dans le temps ce qui m'a permis de déconstruire mon système de croyance et mes connaissances. J'ai fait évoluer ma façon de penser et j'ai compris que je n'avais pas compris. Car la civilisation moderne est en réalité une civilisation fragile si tu lui enlève ce que nous connaissons. Que ferions nous si d'un seul coup si plus d'électricité ? Plus de pétrole ? Plus de supermarchés ? Je vivais et vis toujours dans le mythe du progrès, mais j'ai réalisé que je voulais revenir à des choses simples et donc choisir différemment mes sources d'informations et mes apprentissages.
Au delà de l'autocritique que j'ai faite sur le monde dans lequel je vis, j'ai pu observer l'humain, l'expression humaine et notamment observer tout ce qu'il se passe dans le non verbale, et voir tout ce que l'on occulte avec la parole. Je suis capable de comprendre quelqu'un sans le regarder, nous utilisons quotidiennement nos téléphones pour cela. Mais tu comprends et perçois les choses à travers ta propre et unique vision. Or la joie, la peur, la colère, la tristesse, ... ce sont des émotions qui sont universelles et qui s'expriment de la même manière peut importe où l'on se trouve dans le monde avec un degré d'intensité différente suivant les cultures je l'accorde. J'ai réalisé que le langage du coeur est tellement profond. J'ai créée des connexions avec ces personnes beaucoup plus rapidement que tout ce que j'ai connu, comment ce fait-il de pleurer alors que je les aient rencontré il y une semaine ? Je viens de vivre un enseignement fort, une leçon de vie qui ne peut s'apprendre qu'à travers les voyages et les moments de partages avec d'autres cultures. Je sais que je suis chanceuse d'avoir vécu ça, mais j'ai laissé la porte de mon coeur ouverte à l'aventure. J'ai n'ai rien programmé, mais j'ai su écouté.
Comment revenir les pieds sur terre après avoir vécu une expérience comme cela ? La réponse est que l'on ne peut pas. Une partie de mon coeur est toujours à Sam Meun Village et il ne se passe pas une journée depuis, sans que je n'y pense pas. J'ai encore une boule à la gorge lorsque j'écris ces mots, ils ont laissé une emprunte à vie dans mon coeur. Merci, merci de m'avoir fait grandir et de m'avoir ouvert votre porte. J'ai trouvé ici l'expérience humaine que je voulais vivre et que je recherchais dans mon voyage.
Il est difficile de retranscrire tout ce que je ressens, car il faut savoir ne pas rejeter le monde moderne dans lequel je vis. Mais il faut savoir ouvrir les yeux sur ce que l'on veut à partir de maintenant. Savoir se satisfaire et apprécier à la juste valeur ce que l'on a la maison. Il faut donc ajuster et affirmer ses nouvelles envies. Je pourrais resté des heures à parler et écrire sur ce sujet, mais l'aventure continue.

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